Romanès, entre liesse et détresse, le dernier cirque tzigane du monde

par | 19 Mar 2017 | Tasse de thé culturelle | 0 commentaires

« Entre le Cirque Tzigane Romanès et moi, c’est une histoire qui débutera à distance en septembre 2010, quand, émue par la menace qui pesait sur lui à Paris, pour aqui.fr je rédigeais un billet de soutien.

Cirque-Tsigane-Romanes

Une relation virtuelle qui, par la suite, devait s’enrichir en 2012 d’une rencontre avec Alexandre Romanès  et Delia, la Terrible, doublée de la découverte de leur spectacle plein de couleurs et de poésie »…

Ce jour là, une tasse de thé (bio) d’une main et un stylo de l’autre, juste avant la représentation, me voilà assise au beau milieu de la piste face à Alexandre, en mode interview où pour l’intimité il faudrait repasser, tandis que la foule arrivait et s’installait tout autour de nous.

Délia, quant à elle, vendait livres et tickets à l’entrée.

Oui, des livres ! Car Alexandre n’est pas seulement un directeur de cirque, père de six enfants (cinq filles et un garçon), amateur de musique baroque et joueur de luth, il est aussi poète. Il fut l’ami de Jean Genet et sans savoir écrire, après avoir envoyé chez Gallimard un premier manuscrit rédigé phonétiquement, s’est retrouvé propulsé dans la prestigieuse collection Blanche, aux côtés des plus grands de la littérature française du vingtième siècle.

Pas mal pour un « voleur de poules » qui n’a jamais supporté l’école et qui ne sait toujours pas lire !

Nous deux et un cirque

Délia et Alexandre Romanès, les créateurs, en 1994, d’un cirque bohème sans lion, ni tigre, ni éléphant (juste une chèvre et un chien pour un numéro de 5 minutes !) où règnent un joyeux bazar, la simplicité, la sensualité, l’esprit de famille, la poésie (toujours), des numéros prenants, attendrissants et une musique balkanique omniprésente.

Delia et Alexandre Romanes Jugeote Isabelle Camus

Délia et Alexandre Romanès, en 2012 © Isabelle Camus

Un couple uni dans le travail comme dans la défense de la cause de leur peuple, où s’il écrit, elle, chante. Et lui de m’expliquer :

« J’ai rencontré Délia à Nanterre, dans un camp il y a 20 ans. On a 20 ans d’écart, mais quand on aime, on a toujours 20 ans. Elle est passée devant moi avec un seau d’eau. Je lui ai demandé ce qu’elle faisait. Elle m’a répondu : Je fais la misère ! Alors moi de lui demander : tu veux la faire avec moi ? Et elle a dit oui ! »

Mais plus que mes mots, je vous livrerai ceux d’Alexandre. Quelques bribes de ses livres (ses autres enfants) qui recèlent la sagesse, la vision, la nostalgie, la lucidité et l’humour d’un homme dont le peuple persécuté et incompris fait figure de dernier des Mohicans.

« On va tous être noyés. Le nomadisme est en train de mourir. Je rêve à la création d’un centre culturel tzigane pour préserver notre richesse »

« Je n’ai rien à voir avec ces gens qui reculent quand il faut avancer, et pourtant, j’ai plié devant la vie comme l’arbre sans défense attaqué par le vent. » (Paroles perdues)

« Tous les hommes et toutes les femmes ont eu au moins une fois dans leur vie une pensée magnifique. » (Sur l’épaule de l’ange)

« Mon cousin Sampion aime beaucoup lire des livres. Il prétend que son écrivain préféré c’est Tolstoïevski ». (Un peuple de promeneur/histoires tziganes)

En attendant, leurs enfants, Adèle, Florina, Maria, Sorine, Alexandra et Rose Reine (sans compter les petits enfants) en sont les dépositaires. Au-delà de nos différences souhaitons leur que ce soit pour longtemps. Et souhaitons leur aussi de continuer à être soutenus comme c’est le cas à Bordeaux, où la mairie de Bordeaux et de Bègles, dans un même élan, se sont mobilisés pour les aider, suite à des actes de vandalisme, et ont entrepris de tout faire pour faciliter leurs conditions d’accueil. Tout faire pour que la liesse prenne le pas sur la détresse !

Quelque cinq ans plus tard, après l’avoir annoncé dans mon agenda, je suis revenue voir leur dernier spectacle.

Or je n’étais pas toute seule. Accompagnée de Laura Van Puymbroeck et de son appareil photo, que vous retrouverez désormais régulièrement dans ces colonnes, nous avions programmé de faire un article à quatre mains. Après que j’aie planté le décor, je vais lui laisser la place afin que, par le biais de ses mots et de ses photos, vous partagiez une partie de ce que nous avons vu.  A toi Laura !

« La Lune Tzigane brille plus que le Soleil ! »                                                                     

 Dimanche 12 mars 2017, le temps est pluvieux. Une raison peut-être pour que, bien avant 16h, le chapiteau du cirque Romanès soit déjà plein à craquer. Un succès tel qu’il aura même fallu rajouter des chaises. Familles, amis, enfants, un public varié a pris place sur les gradins. Les artistes se préparent en coulisses, nous sentons déjà la vitalité qui s’en dégage.

La jauge est pleine, Alexandre Romanès s’adresse avec humour au public, puis c’est le noir plateau.

L’énergie s’impose d’entrée de jeu. La musique merveilleusement rythmée remplit d’un coup l’espace et émerveille. Les sons tziganes m’ont toujours particulièrement touchée. C’est une musique d’une intensité sans égale, qui raconte mille histoires passionnantes.

La plus blonde des filles Romanès ouvre le bal, s’élance et danse, presque en transe. L’histoire, la passion, les émotions fortes : tout vous pénètre, sans mot. La voix de Délia raisonne, tandis que d’autres danseuses s’élancent à leur tour, faisant tournoyer leurs robes  colorées dans l’air.

« Mon Dieu, quel spectacle »

me dis-je alors. Et je prie pour que vous puissiez voir ce que j’ai vu, là-bas, dans ce cocon où règnent le rythme, l’émotion et la poésie d’une culture menacée.

Les Romanès ont ce don de vous faire sentir chez vous. Ici, pas de quatrième mur. Nous sommes spacialement et humainement proches des artistes, entendant jusqu’à leur respiration dans l’intensité de l’effort.

Les acrobates, jongleurs, trapézistes, contorsionnistes, danseurs, se succèdent en toute fluidité. On ne relâche jamais le regard, toujours stimulé, attiré. J’aime ce précieux moment où le public retient son souffle lors d’un haut numéro de tissu. Je suis charmée par le bal de robes qui vient ponctuellement envahir l’espace. Les musiciens en fond de scène ne laissent jamais l’énergie retomber. Glissez un regard vers eux, et vous verrez un sourire ancré, sincère, encourageant, en plus d’une musique d’une belle qualité.

J’aime le cirque, c’est un univers qui m’est familier. Mais j’ai fait ce jour là connaissance avec une ambiance particulière qui m’a touchée. Les Romanès sont sur scène d’une générosité hors pair. Ici, la magie opère. C’est l’amour de l’art qui prime. L’humain qui prévaut. Lorsque vous rencontrez cette famille, captivé par le spectacle, vous n’avez plus envie de quitter votre siège.

Les dernières dates du cirque Romanès

Rendez-vous pour les dernières représentations le 18 mars 2017 à 16h et 20h30 et le 19 mars 2017 à 16h. Une programmation qui perd quelques dates sur celles initialement prévues en raison de l’urgence que ressentent Délia et Alexandre de retourner au plus vite à Paris, leur campement ayant été victime de dégradations. Nécessité également pour eux d’assurer en mai le renouvellement du bail d’occupation du lieu où ils sont installés auprès de la mairie de Paris, ce qui ne serait, semble t-il pas acquis.

Alors un conseil, si vous voulez voir le dernier cirque de culture tzigane du monde encore en activité, dont le destin pourrait basculer en fonction du résultat des élections présidentielles, courez vite acheter votre billet !

Réservations sur ce lien http://www.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Cirque-traditionnel-LA-LUNE-TZIGANE-BOLUN.htm#/calendrier/

Nous on vous laisse admirer le spectacle en images !

Isabelle Camus et Laura Van Puymbroeck

 

PS : Venant de découvrir cette vidéo après coup, nous nous faisons un plaisir d’enrichir notre article des images du média Racine Solaire, pour mieux partager avec vous la sagesse et l’humour d’Alexandre Romanès.

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